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Loupiac, étude archéologique du verre de la villa gallo-romaine (Gironde)

Dernière mise à jour : 15 juin 2022

Le verre étudié correspond au verre mis au jour lors des 5 campagnes de fouilles (2004 à 2008) ainsi qu’à la verrerie découverte pendant des fouilles de M. Pezat de 1953 à 1957 et en 1972.

Au total ce sont 531 tessons de verre qui ont été recueillis dont 384 appartiennent à de la vaisselle de table et 147 à du verre plat. Aucun objet complet n’a été trouvé. Cependant il est possible d’évaluer le nombre d’objets différents (NMI : nombre minimum d’individu) à 58 mais tous ne sont pas identifiables. Les formes indéterminées représentent 58% du NMI. Ce chiffre est important et résulte de la fragmentation du verre. Il est possible de reconnaître des objets de différentes époques allant du Ier au VIe siècle.



Quatre fragments sont des tessons de verre fondu insérant des fragments de pierre ou de céramique. Ce genre de fragments peut être découvert soit sur des lieux de production d’objets en verre et correspond à des déchets verriers, soit sur un lieu d’incendie.

Ici, ces fragments ont été trouvés dans des remblais de mur, comblements de fosse ; rien n’indique la présence de fours. Il doit s’agir d’indices d’un incendie qu’aurait subi la villa.


Une vingtaine de petits flacons du XXe siècle est exclue de cette étude

Plusieurs types d’objets ont pu être identifiés dont une partie appartient à des formes ouvertes et une autre à des formes fermées
Les formes ouvertes sont composées essentiellement de gobelets, de bols, de verres à boire, coupes et assiettes, les formes fermées, de bouteilles et d’un balsamaire

I- Les formes ouvertes


A. Gobelets

- Gobelet AR 52/ Isings 33

Les fragments n° 94 et 95 trouvés dans l’US 2275, de couleur bleu/vert appartiennent au même gobelet qui se caractérise par une panse décorée de filets de verre appliqués. Le n° 94 est un fragment de bord supérieur et le n° 95 un pied complet dont le fond est refoulé. Le pied a un diamètre de 3,6 cm et le fond est rentrant. Dans la même US a été trouvé un bloc de verre fondu sur une pierre qui pourrait résulter d’un incendie.

Ce type de verre datant du Ier siècle et du début du IIe siècle était fabriqué en Italie et en France à Saintes comme l’attestent les fragments trouvés sur le site de l’atelier de la rue Renaud-Rousseau[1]. Il en a été trouvé un exemplaire lors des fouilles de la villa de Plassac[2].

[1] HOCHILI-GYSEL A., importations et productions du Ier siècle av. J.-C. au Ier siècle ap. J.-C., Echanges et commerce du verre dans le monde antique, Montagnac, 20003, p. 177-193. [2] HOCHULI-GYSEL A., Les verres de la villa gallo-romaine de Plassac, Revue Archéologique de Bordeaux, tome LXXXI, 1990, p. 39-81.

- Gobelets coniques de type Isings 106 / AR 66/ T 53

Deux tessons de couleur bleutée présentent une lèvre coupée net, non réchauffée. Il s’agit de gobelets coniques de type Isings 106/AR 66/T53. Ce type de verre apode se caractérise par une lèvre coupée au ciseau, laissée brut et date des IIIe /IVe siècles. Il est utilisé jusqu’au Ve siècle. C’est un type de verre très répandu au IVe siècle qui a aussi été utilisé comme luminaire[1]. Il a été trouvé ce genre de verre en Aquitaine à Jau-Dignac (Gironde)[2], à Bordeaux, Place Camille Julian [3] et lors des fouilles de la cité judiciaire[4], dans les Deux-Sèvres à Rom[5].

[1] SIMON-HIERNARD D., Verre d’époque romaine, collection des Musées de Poitiers, Poitiers, 2000 [2] HEBRARD-SALIVAS, étude du verre du site de Jau-Dignac, Jau-Dignac et Loirac (Gironde) « La chapelle Saint-Siméon », CARTRON I., CASTEX D., Rapport Final d’Opération (2001/2203-2005), SRA, Bordeaux, 2005. [3] HOCHULI-GYSEL A., Les verres de la villa gallo-romaine de Plassac,… 1990. [4]SIMON L., Etude de la verrerie de la cité judiciaire de Bordeaux. [5] DUBREUIL F., La verrerie d’époque romaine à Rom (Deux-Sèvres), Aquitania, XIII, 1995, p. 131-153.


- Gobelets de type Isings 109/Feyeux 40

Les fragments n° 42 de couleur bleu/vert, 77 et 90, tous les deux de couleur blanchâtre, et le n° 83 incolore sont des fragments de bords supérieurs.

Le fragment n° 90 est un bord supérieur ayant dans sa partie haute des négatifs de filets de verre.

Le tesson n° 63 de couleur verte est un fragment de pied ourlé par refoulement de la paraison. Ces fragments de verre appartiennent au type Isings 109/Feyeux 40 qui sont des verres à boire réalisés avec une seule paraison.


C’est un type de verre qui s’est répandu dans toute l’Europe entre les IVe et le VIe siècles avec des formes plus ou moins élancées. Certains sont ornés de filets de verre rapportés et sont plutôt datés des Ve/VIe siècles. Ces verres à boire sont fréquemment trouvés sur des sites d’habitats. Ce type de verre a été retrouvé à Jau-Dignac[1], à Bordeaux Place Camille Julian [2] et lors des fouilles de la cité judiciaire[3], à Rom (Deux-Sèvres)[4].

[1] HEBRARD-SALIVAS, étude du verre du site de Jau-Dignac, Jau-Dignac et Loirac (Gironde) « La chapelle Saint-Siméon », CARTRON I., CASTEX D.,… SRA, Bordeaux, 2005. [2] HOCHULI-GYSEL A., Les verres de la villa gallo-romaine de Plassac… 1990 [3] SIMON Laure (publication sous presse). [4] DUBREUIL F., La verrerie d’époque romaine à Rom …, Aquitania, XIII, 1995.


B. Les bols et coupes

- Bol de type Isings 12/ AR 34

Deux fragments de bords supérieurs n°1 incolore et n°54 blanchâtre correspondent au type Isings 12/ AR 34. La lèvre est légèrement rentrante, coupée net et à peine polie. La panse est hémisphérique. Un décor de lignes horizontales gravées décore la partie haute et la partie médiane de la panse. Ce type de verre date de la première moitié du Ier siècle.


- Bols apodes de type Isings 96/ AR 60/ T 49

Deux fragments de bords supérieurs de couleur verdâtre n° 41 et le n° 30, correspondent à ce type de verre. La lèvre est coupée net, à peine polie. Il s’agit de bols fabriqués en série à partir du IIIe siècle et répandus dans toute l’Europe. Cet type d’objet est daté du IVe siècle en Aquitaine et a été trouvé à Jau-Dignac[1], dans la villa de Plassac[2], à Lormont [3].

[1] HEBRARD-SALIVAS, C., étude du verre du site de Jau-Dignac, Jau-Dignac et Loirac (Gironde) « La chapelle Saint-Siméon », CARTRON I., CASTEX D.,… SRA, Bordeaux, 2005. [2] HOCHULI-GYSEL A., Les verres de la villa gallo-romaine de Plassac,… 1990. [3] HOCHULI-GYSEL A., Verres gallo-romains découverts à Lormont, Aquitania, tome VIII, 1990, p.122-128.


- Bols de type Isings 85b/AR 98.1

Le fragment n° 28 a un pied constitué de deux anneaux de verre plein. Le plus grand est obtenu par repli de la paraison tandis que le plus petit est un filet de verre rajouté. Les fragments de bords supérieurs n° 29, 39 et 80 ainsi que les fragments de pieds n° 51 et 52 appartiennent aussi à un bol cylindrique de type Isings 85b. Tous ces fragments sont incolores.

Ce type d’objet est très répandu aux IIe et IIIe siècles. De nombreux exemplaires ont été trouvés en Aquitaine, à Lormont [1], à la cité judiciaire de Bordeaux [2], à Plassac[3], au Mas-D’agenais[4], et en Poitou-Charente comme à Poitiers[5] ou à Barzan[6]. De nombreux verres de ce type ont été découverts dans une épave au large de l’île des Embiez[7]. Ces verres provenaient de Méditerranée orientale et sont datés du IIe/IIIe siècle[8]. Fritz Fremersdorf a émis l’hypothèse que des verres de ce type avaient pu être fabriqués aussi à Cologne[9].

[1] HOCHULI-GYSEL A., Verres gallo-romains découverts à Lormont…. [2] SIMON Laure (publication sous presse) [3] HOCHULI-GYSEL A., Les verres de la villa gallo-romaine de Plassac… [4] HOCHULI-GYSEL A., Verres romains trouvés en Gironde, Aquitania, 7, 1990, p. 121-134. [5] SIMON-HIERNARD D., Verre d’époque romaine…, Poitiers, 2000. [6] DUBREUIL F., Le mobilier en verre, Thermae Gallicae, les termes de Barzan (Charente-Maritime) et les termes des provinces gauloises, Bordeaux, 2003. [7] FOY D., NEMMA M ;-D., Tout feu tout sable, mille ans de verre antique dans le Midi de la France, Aix-en-Provence, 2001. [8] FOY D., JEZEGOUM.-P., Une épave chargée de lingots et de vaisselle de verre, Verre, tome 3, 1997, p. 65-70. [9] FREMERSDORF Fr., POLONYI-FREMERSDORF E., Die Farblosen Gläser des Frühzeit in Köln, Cologne, 1984.



- Coupes de type indéterminé à décor chrétien


Un fragment de fond légèrement aplati et de couleur vert/jaunâtre a été découvert dans l’US 1002. Il possède sur sa face extérieure un décor gravé à la roue.


Ce motif représente une croix à six branches (2 lignes perpendiculaires et 1 médiane). Une branche semblerait représenter le chrisme (P à l’envers) ou croix monogrammatique. Entre les branches de cette croix, deux symboles sont visibles : un astérisque et une lettre gravée (A). Le décor se poursuit à côté du chrisme mais il est mal conservé. Il y a aussi une petite croix à 8 branches. Cet objet a été soufflé à la volée.


Un autre tesson (n° 31) qui appartient au même objet a été trouvé dans l’US 2005. Il est de couleur vert/jaunâtre et possède une croix gravée à 8 branches. Le verre a une épaisseur de 2,5 mm. Cette coupe ne peut pas être identifiée typologiquement car les fragments sont de trop petites tailles. Par comparaison il est possible de dater cette coupe du IVe/Ve siècle.


Trois coupes hémisphériques ont été retrouvées, l’une à Narbonne qui date du début du Ve siècle, une autre retrouvée sur le site de Mariana en Corse qui date de la fin du IVe siècle[1] et la troisième provenant du cimetière d’Homblières (Somme) qui date de la fin du IVe siècle[2].

[1] FOY D., NEMMA M ;-D., Tout feu tout sable, mille ans de verre antique dans le Midi de la France, Aix-en-Provence, 2001. [2] ARVEILLER-DULONG V., NEMMA M.-D., Les verres antiques du Musée du Louvre (tome II), Vaisselle et contenants du 1er siècle au début du VIIe siècle après J.-C., Paris, 2005.



C- Verres à pied

- Verre à pied conique AR 100

Le fragment de verre n° 61 appartient à un type de verre à boire rare. Il est fabriqué avec deux paraisons et la panse est décorée de filets de verre posés à chaud puis pincés par endroit, formant ainsi un maillage. Il est actuellement de couleur blanchâtre, il devait être à l’origine incolore. Des verres semblables ont été trouvés à Poitiers dans la tombe n° 228 de la nécropole des Dunes[1], ainsi qu’à Rom[2]. D’autres se trouvent à Reims et à Rouen[3]. Ce genre de verre était fabriqué à Cologne en Rhénanie entre le IIe et le IIIe siècle.

[1] SIMON-HIERNARD D., Verre d’époque romaine, …, Poitiers, 2000. [2] DUBREUIL F., La verrerie d’époque romaine à Rom, … Aquitania, 1995. [3] SENNEQUIER G., Verrerie d’époque romaine, Rouen, 1985, p. 58-60, n° 33.


- Gobelet AR 42

Le fragment n° 71 est un gobelet avec un haut pied de forme conique de couleur incolore. Il a été soufflé à la volée et date du Ier/IIIe siècle.




- Verre à boire Isings 108

Les fragments n° 42 (Fig.23) et 69 (Fig.24) peuvent appartenir à des verres à boire Isings 108. Ils sont caractérisés par un petit pied annulaire façonné dans la masse. Ils sont datés du IIIe siècle en Charente-Poitou[1].

[1] SIMON-HIERNARD D., Verre d’époque romaine, …, Poitiers, 2000.

- Verre à facettes AR 45/ Isings 21/ T 35

Le tesson n° 79 est un verre à facettes gravées. Cette gravure est réalisée à froid à l’aide d’une meule. Ce type de verre a été trouvé dans le Poitou, la Charente, en Vendée[1], dans le centre de la France[2], à Marseille et dans la nécropole du Valladas à Saint-Paul-Trois-Châteaux[3]. Ce type de verre est daté du Ier ou IIe siècle. Sa provenance reste incertaine. Des productions de ce type sont attestées dans l’Italie du sud, en Syrie et en Egypte[4].

[1] SIMON-HIERNARD D., Verre d’époque romaine, …, Poitiers, 2000. [2] MOIRIN A., Contact et échanges au Ier siècle : l’exemple de la Gaule du centre, Echanges et commerce du verre dans le monde antique, Montagnac, 2003. [3]FOY D., NENNA M.-D., Tout feu tout sable, Mille ans de verre antique dans le midi de la France, Aix-en-Provence, 2001. [4]NENNA M.-D., Verres gravés d’Egypte du Ier au Ve siècle ap.J.-C., Echanges et commerce du verre dans le monde antique, Montagnac, 2003.


II- les formes fermées

A- Balsamaire

Le tesson n° 27 de couleur bleu/vert est le goulot d’un balsamaire daté du Ier/IIe siècle dans la Haute-Vienne[1].

Il est soufflé à la volée et présente de nombreuses filandres. Il n’appartient pas un type bien déterminé.

[1] SIMON-HIERNARD D., Verre d’époque romaine, …, Poitiers, 2000.


B- Bouteilles

-Bouteille Isings 50/AR 156/ T 114 à 119

L’anse striée n° 55 appartient à une bouteille à panse carrée du type Isings 50/AR 156/T 114 à 119. C’est un objet très courant du I er au IIe siècle et encore présent au IIIe siècle. Des objets similaires ont été trouvés lors de fouilles récentes à Biganos sur le site de Bois Lamothe (Gironde)[1], à Bordeaux rue du Palais Gallien[2], à Oloron sur le site de Guynemer (Pyrénées Atlantiques)[3], à Lormont [4], dans la villa de Plassac[5]. Certaines de ces bouteilles étaient fabriquées à Saintes en Charente-Maritime où il a été retrouvé des fonds de moules[6] ainsi que des déchets de productions[7].

[1] HEBRARD-SALIVAS C. , étude du verre, Fouilles de la piste cyclable sous la direction de WOZNY Luc, SRA, 2005 [2] HEBARD-SALIVAS C., étude en cours. [3] HEBRARD-SALIVAS C., Etude en cours. [4] HOCHULI-GYSEL A., Verres gallo-romains découverts à Lormont,… 1990. [5] HOCHULI-GYSEL A., Les verres de la villa gallo-romaine de Plassac… [6] HOCHULI-GYSEL A., Saintes (17), 85 rue de la boule, Ateliers de verriers de l’Antiquité à la période prè-industrielle,(Actes des 4èmes rencontres de l’AFAV), Rouen, 1991, p.58. [7] HOCHILI-GYSEL A., importation et productions du Ier siècle av.J.-C. au 1er siècle ap.J.-C., Echanges et commerce du verre …, Montagnac, 20003, p. 177-193.


- Bouteille Isings 90


L’anse dotée d’une triple nervure n° 57 provient d’une bouteille rectangulaire du type Isings 90. Il s’agit de bouteilles ayant deux anses qui se font face, et le fond est souvent orné d’une marque épigraphique ou géométrique.

Ce genre de bouteille est utilisé du IIe au IIIe siècle. Il a en a été trouvé dans la région de Poitiers (nécropole des Dunes)[1]. Leur fabrication est attestée à Aquilée en Italie et à Cologne en Allemagne.


[1] SIMON-HIERNARD D., Verre d’époque romaine….., Poitiers, 2000.


Conclusion

La verrerie découverte à Loupiac lors des 4 campagnes de fouilles témoigne d’une occupation du site entre le Ier et le VIe siècle puis plus tardivement vers les XVIIe et XIXe/XXe siècle.

La verrerie du Ier au VIe siècle appartient essentiellement à de la vaisselle de table. Celle du Ier au IIIe siècle dénote d’une certaine richesse comme le montre la découverte de types de verre assez rares : AR52/Isings 33, AR 100, AR 42 et AR 45/Isings 21/T35. Ces types d’objets sont des importations d’Italie, du Moyen Orient ou de Rhénanie. Celle du IV/VIe est plus abondante et appartient à des types plus communs comme les types Isings 106/AR 66/T53, Isings 109/Feyeux 40, Isings 96/AR60/T49, Isings. Une coupe gravée d’une croix monogrammatique du IVe siècle montre la propagation du christianisme dans la région.


Il n’a pas été découvert de verrerie de stockage à part deux bouteilles, une de type Isings 50/AR 156/T114 qui est un modèle très courant et une de type Isings 90. Cette rareté se retrouve pour les objets de la toilette, un seul balsamaire a été mis au jour.




Référence de cet article :

Hébrard-Salivas C., La verrerie de la villa gallo-romaine de Loupiac, In, Le mobilier archéologique dans le Bazadais, Cahier du Bazadais, 2015, n°191, p.7-26.


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