La verrerie mérovingienne est peu présente dans
le sud-ouest de la France
Huit objets archéologiquement complets ont été découverts (deux à Oloron-Sainte-Marie, un à Jau-Dignac-et-Loirac, un à Sergeac et quatre à Jonzac) entre 2004 et 2010.
Il faut rappeler les découvertes plus anciennes de bols faites à Bazas et à Tocane-Saint-Apre. Ces deux objets se trouvent respectivement au musée de Bazas et au musée du Périgord dans la collection Maap (Périgueux).
D'autres fouilles anciennes ont permis de mettre au jour des verres de cette période : une bouteille à Saint-Laurent-des-Bâtons en 1977 de type T 20 et un bol à Argenton en 1877 de type T 90 (Coureau 1876). Il ne reste de leur présence qu’une photo pour l’un et d’un dessin pour l’autre. D’autres fragments de bols ont été découverts à Bordeaux lors des fouilles de la place Camille Julian (Foy,Hochuli-Gysel 1995).
Ces verreries, toutes découvertes dans des sarcophages,
appartiennent à sept types différents de la classification
de J.-Y. Feyeux (Feyeux 2003) :
T 20, T 41, T 55.3, T 57, T 60, T 90 et T 91.
Flacon de type T 20
Lors de travaux agricoles à Saint-Laurent-des-Bâtons près de la chapelle de Saint-Maurice, des sarcophages mérovingiens ont été découverts en octobre 1977, dont six ont été fouillés. Des boucles en bronze, un anneau, une céramique décorée à la molette et un flacon en verre ont été trouvés.
Le flacon mesure 10,9 cm de haut et il est de couleur verdâtre. Il est daté des V/VIe siècles. Cet objet a disparu et il ne reste actuellement qu'une photo dans la revue Gallia de 1979 (tome 37, fascicule 2).
Gobelet à pied à ouverture rebrûlée de type T 41
Les fouilles qui se sont déroulées de juin à juillet 2004, aux abords de la cathédrale d’Oloron Sainte-Marie ont permis de mettre au jour un verre complet. Il s’agit d’un verre à pied soufflé/moulé possédant 16 côtes hélicoïdales en faible relief, tournées vers la droite. Il est façonné avec une seule paraison de couleur vert olive clair. La hauteur totale du verre est de 13,5 cm et sa forme générale est asymétrique : l’ouverture est plus évasée sur un côté et le pied est légèrement décalé par rapport à l’axe du contenant. Le diamètre d’ouverture est de 8,3 cm. La lèvre, droite légèrement rejetée vers l’intérieur, est épaissie par réchauffement sur une flamme.
Des filets de verre blanc sont enroulés sur la partie supérieure de la panse ainsi que sur le deuxième tiers inférieur. Les cordons du haut ne sont plus présents, mais on y trouve leur négatif. Le pied, d’un diamètre de 4 cm, est ourlé par refoulement de la paraison et son sommet forme un cône. Le pied est relié à la panse par une petite jambe de 1 cm. Ce gobelet peut être comparé à celui trouvé à Sablonnières (Aisne) et qui se trouve actuellement au Musée de Saint-Germain-en-Laye (Feyeux 2003, n° 143). Ce type de verre date des Ve/ VIe siècles.
Gobelet apode moulé de type T 55.3
Découvert en 1841 par le Docteur Moreau dans un cimetière à Tocane-Saint-Apre, en Dordogne, ce gobelet a été trouvé dans une sépulture en pierre au niveau des épaules d’un squelette portant encore de longs cheveux. Cette sépulture renfermait d’autres mobiliers : un fer de lance à douille, un couteau au niveau de la ceinture et un peigne avec son étui servant de manche (Galy 1841).
Il s’agit d’un gobelet apode moulé avec un motif de 15 côtes verticales sur la panse et d’une croix à quatre branches imprimée sous le fond de l’objet. Le motif de croix est légèrement décalé par rapport à l’axe de l’objet. La trace de reprise du pontil est bien visible. La lèvre droite légèrement rentrante est épaissie par réchauffement sur la flamme. De nombreuses petites bulles et filandres sont visibles. Le verre est de couleur verte. Sa hauteur est de 8,5 cm et son diamètre d’ouverture de 9,16 cm. Ce type d’objet est daté du VIe siècle au début du VIIe siècle. Il est possible de comparer cet objet avec celui qui a été trouvé à Aulnizeux, « la vignette » dans la Marne (Feyeux 2003, n° 485).
Gobelets hémisphériques apodes de type T 57
1- Jau-Dignac-et-Loirac
Lors de fouilles de sauvetage menées en 2000 à Jau-Dignac-et-Loirac (Scuillier 2000), un gobelet hémisphérique apode d’un diamètre de 11,2 cm d’ouverture et de 6,1 cm de hauteur, a été découvert dans le sarcophage n° 12 qui contenait deux individus. Il était accompagné d’un riche mobilier (plaque boucle et contre-plaque de garniture de ceinture en fer damasquiné, un peigne en os, tous ces objets sont datés de la fin du VIe siècle au début du VIIe siècle) (Cartron - Castex 2006).
Cet objet en verre, soufflé à la volée, a une panse semi ovoïde et des parois lisses, dépourvues de décor. Elles s’évasent régulièrement et se terminent par une lèvre bordée et incurvée vers l’intérieur. La trace du pontil est présente sous l’objet qui est de couleur bleu/vert. Malgré la raréfaction de cette couleur à partir du IIIe siècle, elle est encore utilisée par les verriers mérovingiens. Ce gobelet appartient au type T 57 et date de la deuxième moitié du VIIe siècle.
2-Bazas
Ce vase a été trouvé dans le sarcophage n° 15 lors des fouilles de la place Saint-Martin qui se sont déroulées de 1935 à 1951 à Bazas. Il s’agit d’un verre apode de couleur verte à la lèvre épaissie par réchauffement sur la flamme, légèrement incurvée vers l’intérieur. La trace du pontil est bien visible sous l’objet, ainsi que de nombreuses filandres et bulles. Sa hauteur est de 10 cm et son diamètre d’ouverture de 10 cm.
Cet objet peut être comparé à un gobelet provenant de Coulommes-et-Marqueney ou à celui provenant de Poivres «Champs la Cave » (Feyeux 2003, n° 527 et n° 529). Ce type de verre date du VIIe siècle.
Bols hémisphériques à ouverture ourlée de type T 60
Lors des fouilles de Saint-Gervais à Jonzac en 2009 et 2010, il a été découvert quatre bols dans quatre sarcophages différents. Il s’agit des sépultures 27, 193, 199 et 207. Chacune comprenait un seul individu sauf la sépulture 207 qui en possédait deux.
Ces quatre bols sont de couleur bleu/vert. Leur lèvres sont ourlées par repli de la paraison vers l’extérieur.
Le verre présente de nombreuses filandres et de petites bulles. La reprise par le pontil est visible sous les quatre bols. Leur hauteur varie de 5,5 cm à 7 cm et leur diamètre d’ouverture de 8,5 cm à 11 cm.
Il s’agit de bols hémisphériques à ouverture ourlée de type T 60
datant de la seconde moitié du VIIe siècle au début du VIIIe siècle.
Pots apodes carénés de type T 90
1- Sergeac
Ce pot découvert en 2005 à Sergeac se trouvait à l’intérieur d’un pot en céramique. Il possède le négatif de 3 filets de verre dans sa partie supérieure et sa lèvre légèrement incurvée vers l’intérieur est droite par réchauffement sur la flamme. Le col est court et l’ouverture évasée. Le verre est de couleur verte et a de nombreuses petites bulles et filandres. La trace du pontil est bien visible sous l’objet.
Sa hauteur est de 5,7 cm et son diamètre d’ouverture de 8 cm. Il est possible de faire un parallèle avec un verre trouvé à Waben (Feyeux 2003, n° 705). Il s’agit d’un pot de la seconde moitié du Ve siècle, ces récipients à décor émaillé disparaissant au cours de la seconde moitié du VIe siècle.
2- Argenton
En 1877, lors de travaux dans l’église d’Argenton, des sarcophages ont été découverts à une profondeur de 60 cm. Seule une dizaine de sarcophages a été fouillée. Dans l’un d’eux a été trouvé un pot en verre et un pot un terre muni d’une anse. Le pot en verre à une panse globulaire légèrement carénée se terminant par une ouverture évasée à col court. Le fond comporte une dépression centrale.
Il ne reste plus de ce pot qu'un dessin et une description, dont la photo est de mauvaise qualité, dans la revue de la Société Archéologique de Bordeaux de 1876 (Coureau 1876). Il est possible de comparer cet objet à celui qui se trouve actuellement au Musée de Saint-Germain-en-Laye qui mesure 6,4 de haut et qui est d’origine inconnue (Feyeux 2003, n° 694).
Pot à appendice de type T 91
Un deuxième verre complet a été découvert sur le même site de la cathédrale d’Oloron-Sainte-Marie au cours de l’hiver 2004. Ce verre est un pot à appendices de couleur verdâtre. Par endroits, l’oxydation qui se caractérise ici par de grandes taches blanches est importante. La hauteur de l’objet est de 7,8 cm. La lèvre, épaisse de 3 mm, est droite et épaissie par réchauffement sur la flamme. L’ouverture du pot est évasée et le col cylindrique est court. La panse a une forme globulaire aplatie dans sa partie inférieure.
Le pied est constitué de 7 ergots de forme arrondie, disposés en cercle sous le pot. Ils ont été réalisés par étirement du verre alors que celui-ci était encore malléable. Leur hauteur est de 5 mm et leur largeur de 7 mm. Le fond de l’objet est rentrant.
Le décor est composé de filets d’émail blanc qui disparaissent par endroits sous l’oxydation. Huit filets d’épaisseur différente sont présents sur la partie supérieure de la panse. Quatre cordons décorent la partie centrale du pot. Entre ces 2 registres décorés de filets blancs, se trouve un épais cordon blanc en zigzag irrégulier. Cinq filets en forme d’arcade décorent la partie inférieure de la panse. Quatre filets passent sur les ergots, situés sous le verre. Ce verre appartient au type T 91 et date du Ve siècle.
Conclusion
Ainsi, peu d’objets de la période mérovingienne sont présents dans le sud-ouest de la France. Tous les types auxquels appartiennent les objets découverts dans le sud-ouest sont à rapprocher de ceux présents dans le nord et l’est de la France : similitude des formes et des couleurs. Leur présence dans le sud-ouest de la France montre une diffusion lointaine de ce type de verres et assure une continuité géographique avec les régions du nord et de l’est.
Un exemplaire de verre mérovingien se trouve au musée du Louvre
Référence article
Hébrard-Salivas C., Verres de l'époque mérovingienne dans le sud-ouest de la France, AFAV, 2013, p. 83-86.
Photos de Catherine Hébrard-Salivas (copyright)
Bibliographie indicative
Cadis, Marquette 1935-1951
Cadis (l.), Marquette (B.) : « La nécropole mérovingienne de la place Saint-Martin », rapport de fouilles, 33/04/11, SRA Aquitaine, 1935-1951.
Cartron, Castex 2006
Cartron (I.), Castex (D.) : « L’occupation d’un ancien îlot de l’estuaire de la Gironde : du temple antique à la Chapelle Saint-Siméon (Jau-Dignac-et-Loirac) », Aquitania, XXII, 2006, p.253-282.
Coureau 1876
Coureau (A.) : « Cimetière mérovingien à Argenton », Société Archéologique de Bordeaux, 1876, p.155-156.
Feyeux 2003
Feyeux (J.-Y.) : Le verre mérovingien du quart nord-est de la France, Paris, 1995.
Foy, Hochuli-Gysel 1995
Foy (D.), Hochuli-Gysel (A.) : « Le verre en Aquitaine du IVe au IXe siècle, Un Etat de la question », Le verre de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Age, Typologie, chronologie, diffusion, Guiry-en-Vexin, 1995, p. 151-176.
Galy 1841
Galy (E.) : Catalogue du Musée archéologique du département de la Dordogne, Périgueux, 1841.
Perin 1995
Perin (P.) : « La datation des verres mérovingiens du Nord de la Gaule », Le verre de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Age, Typologie, chronologie, diffusion, Guiry-en-Vexin, 1995, p.139-149.
Saint-Laurent-des-Bâtons 1979
Saint-Laurent-des-Bâtons : Gallia, tome 37, fascicule 2, 1979, p. 504-505.
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